Yann
Lardeau
Cahiers du Cinéma
No 322 Avril 1981 |
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Berlin-Chamissoplatz,
le dernier film de Rudolf Thome, était incontestablement le meilleur
film de la sélection du jeune cinéma allemand présentée
au Broadway. C'est la chronique d'un amour en 1980: celui de Martin Berger
(Hanns Zischler), la quarantaine, amateur de vin, responsable de la rénovation
de Chamissoplatz, pour Anna Bach (Sabine Bach), étudiante en sociologie
et militant activement pour la préservation des lieux, caméra-vidéo
au poing. Les amis d'Anna profitent de sa liaison pour utiliser, à
l'insu de Martin Berger, les renseignements qu'il leur a fournis. On retrouve
ici tous les thèmes caractéristiques de Thome, une mise
en scène qui retravaille constamment les mêmes situations
et les mêmes espaces: avec la rénovation et l'architecture,
le thème de l'utopie et de la modernité, avec l'amour de
Martin et d'Anna, celui des alliances et des ruptures, la négation
de toute filiation et de toute histoire. L'amour de Martin et d'Anna rompt
ou déplace les alliances précédentes: celles de Martin
avec son assàcié, avec sa femme divorcée, celles
d'Anna avec le comité de défense du quartier et avec son
amant. Chamissoplatz obéit aux règles d'un cinéma
littéral, où tout se donne immédiatement à
voir, adhère à la surface de l'image sans faux suspense
ni signification cachée. Outre la richesse visuelle de la mise
en scène, la gaucherie des gestes, la pudeur des comportements,
la naïveté des sentiments et la logique d'une action dont
les partenaires ne sont plus maîtres, y acquièrent une émotion
essentielle, de plus en plus rare au cinéma. Chainissoplatz n'a
sans doute qu'un défaut: la musique, envahissante, tend à
recouvrir cette émotion propre aux images. La rapidité des
enchaînements, héritée de Hawks, la déflation
de toute dramatisation, inspirée d'Ozu, aboutissent à une
fluidité du montage, dont Thome a le secret, et à un accord
complet du temps du film à son propos.
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