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A PROPOS DE «LE PHILOSOPH»
Entretien avec Rudolf Thome

Frédéric Strauss
allemand par Jean-Paul Declercq
Cahiers du Cinéma
No 421 Juin 1989
Production légère, tournages rapides, famille d'acteurs: à Berlin, Rudolf Thome a créé son laboratoire de fiction. Un microcosme où se traduit, en pleine ébulition, une philosophie du cinéma.

Écrire

Cahiers. Que recouvre, à l'origine, le désir de réaliser une trilogie, Les Formes de l'amour? Le moteur de ce regroupement génétique est-il surtout d'ordre scénarique ou est-il lié aux conditions de production de ces trois films?
Rudolf Thome. Après l'échec commercial de Tarot, les quatre projets de film que j'avais (avec des scénarios de Jochen Brunow et Max Zihlmann) ont été refusés. Si je voulais continuer à faire des films, il fallait que je trouve quelque chose d'entièrement nouveau.
A Berlin, le système de subventions prévoit une formule pour des films à «petit budget». c'est-à-dire pas plus de 400 000 DM, et cette somme est octroyée pour deux tiers par le Land de Berlin. C'est une somme dérisoire pour un film professionnel de 35 mm. Et comme je n'avais pas d'argent pour travailler avec un scénariste, j'ai pris la décision d'écrire moi-méme le scénario. A vrai dire, ce n'était pas un scénario à proprement parler. Il s'agissait plutôt d'une description minutieuse des scènes, un mélange de traitement et de narration cinématographiques. J'ai seulement écrit ce qui était nécessaire, pour pouvoir travailler avec ce matériau. Et j'ai écrit le scénario de telle manière qu'il était possible de s'en sortir avec le peu d'argent dont je disposais.
J'ai rédigé une courte introduction à mon projet. Je disais que les cinéastes allemands avaient tort de concocter des films à la manière hollywoodienne pour faire face à la toute-puissance du cinéma hollywoodien. Moi, je ne cherche pas la perfection, mais l'improvisation, la latitude de réagir aux hasards. J'ai écrit que la justesse de ma conception ne pouvait pas être jugée à l'aune d'un seul film, et que mon projet comporte un cycle de films. Ce cycle, je l'ai appelé Formen der Liebe (Visages de l'amour) (une idée qui m'était venue bien avant le tournage de Tarot).

C. Quelles ont été les conditions de production et de tournage?
R.T.Les conditions de production sont resté les mêmes pour l'ensemble des trois films (Les Formes de l'amour, Le Philosophe et Sept femmes). Le budget est de 400000 DM, le temps de tournage est très court (20 à 25 jours). Nous travaillons avec une petite équipe, très peu de lumière artificielle, très peu de moyens techniques et des acteurs inconnus.
Comme l'argent vient de Berlin et que le film est monté à Berlin, l'action des trois films est située dans cette ville. Et étant donné que l'aspect technique du tournage est réduit à sa plus simple expression (par manque d'appareils), l'accent est davantage mis sur les acteurs, comme c'est généralement le cas pour tous mes films. Cela fait plaisir aux acteurs et c'est aussi pourquoi ils sont bons.

L’ami Rohmer

C. La forme de la trilogie est-elle une référence ou un hommage aux Contes moraux de Rohmer que rappelle la tonalité de vos deux derniers films?
R.T. J'aime les films de Rohmer depuis La femme de l'aviateur, tout particulièrement Les Nuits de la pleine lune, mais mes films ne constituent pas une «déclaration d’amour». Je ne connais pas Rohmer. Sans doute nous ressemblons-nous un peu. Les critiques allemands prétendent que j'essaie de l'imiter, au ils me comparent à lui et disent que je suis moins bien. C'est complètement stupide. La plupart de ces critiques ne sont même pas capables de voir les films de Rohmer, tout comme les miens, avec les yeux qu'il faut (ils suivent une mode, et Rohmer est actuellement dans le vent).
Dans Tarot, où Hanns Zischler et Rüdiger Vogler se rencontrent au cinéma pour la première fois après dix ans, j'ai rendu un hommage à Eric Rohmer: j'ai montré une scène des Nuits de la pleine lune. J'avais vu ce film pour la première fois juste avant le tournage.

C. Le scénario du Philosophe est très subtil. Était-il aussi élaboré au moment du tournage? Quelle importance accordez-vous, plus généralement, à l'écriture d'un film?
R.T. L'écriture scénaristique est un aspect entièrement nouveau pour moi, car j'avais coutume de travailler sur des scénarios écrits, ou bien de travailler en collaboration avec des auteurs (j'ai largement contribué au scénario de Berlin Chamissoplatz). Je n'aime pas être assis, comme maintenant. seul devant ma machine à écrire. Je préfère travailler avec d'autres. Mais à force d'écrire les scénarios de mes films, je commence à prendre de plus en plus de plaisir à l'écriture et à l'élaboration d'une histoire. Au début, mes collaborateurs se moquaient de l'excentricité de mes histoires, et cela me faisait perdre toute confiance. Maintenant, je sais que mes films ne sont pas tellement plus excentriques que les textes peaufinés d'autres auteurs.
Dans Le Philosophe, les acteurs ont fait et dit ce qui était écrit dans le scénario. Très peu de changements y ont été apportés. J'avais pensé que lors du tournage, le texte allait subir bien des modifications, mais cela n'a pas été le cas. Les acteurs se sont rendus compte qu'il n'était pas possible de faire des improvisations. L'écart entre le texte improvisé et le texte écrit était devenu trop grand.

C. Le scénario du Philosophe a-t-il été écrit pour les acteurs du film comme le laisse supposer la réelle rencontre qui existe entre les rôles féminins et les actrices?
R.T. J'ai écrit le scénario pour un autre acteur, moins jeune que Johannes Herrschmann. J'ai opté pour lui, après que cet autre acteur que j'avais pressenti se soit décommandé. Les actrices Adriana Altaras (Franziska) et Friederike Tiefenbacher (Beate) sont celles que j'avais en téte lors de l'élaboration du texte.

Des déesses nues

C. Vous suggérez que les trois femmes qui aiment le Philosophe sont des déesses, et surtout vous les montrez nues dans la trivialité du petit matin dès la première scène du film. Est-ce une prédilection pour la contradiction, une volonté de vous approprier le système logique du film?
R.T. Qu'est-ce que vous en savez? Savez-vous ce que font les déesses, comment-elles sont? Et pourquoi ne pourraient-elles pas être enivrées et coucher avec des hommes ordinaires? Lorsque des déesses séjournent sur la planète Terre, où règnent les lois de la physique moderne, alors tout est contradictoire, mème leur existence.
D'ailleurs, toute notre vie, telle que nous l'appréhendons avec notre entendement, n'est-elle pas une flagrante contradiction? Ce que j'essaie de faire dans mes films, c'est de décrire cette réalité qui est tellement complexe et mystérieuse. Mais vous avez raison. J'aime la contradiction. J'aime jouer avec les habitudes de pensée et les attentes unidimensionnelles du spectateur.

C. Votre goût pour la comédie s'est-il révélé avec Les Formes de l'amour ou est-il plus ancien? La comédie devient dans vos films un genre très personnel; comment le concevez-vous?
R.T. J'ai assisté à Munich, il y a deux ans, à une rétrospective de l'ensemble de mes courts métrages (de 1964 à 1984), et j'étais moi-mème étonné de voir autant d'ironie et d'humour. C'est ma façon de raconter et de voir les hommes et le monde autour de moi. Depuis que je me suis mis à écrire moi-mème mes scénarios, cet élément s'est encore accentué. Mes films ont toujours eu une tonalité comique. Par ailleurs, je pense qu'un film qui est vraiment bon, a toujours une veine comique. Pensez à Ozu et à Hawks.


C. La comédie semble une des forces vives du cinéma allemand, qui lui fait subir des traitements parfois malheureux. Est-ce pour vous davantage une manière d'aller à la rencontre du public, plutôt qu'une manière d'en faire votre objet?
R.T. Je ne connai pour ainsi dire pas de véritables comédies allemandes. Autrefois, il y avait ces film dans lesquels les acteurs se jetaient des tartes à la crème à la figure. Ce genre de comédie ne m'intéresse pas. Et puis, il y a toujours eu des films qui se moquaient de leurs personnages. Je déteste ce genre de cinéma. Lorsque je fais un film, je ne pense pas à ce que le public demande. Mais le public n'est jamai absent quand j'écris, tourne et monte. Il est impliqué dans le processus. Il en va de même lorsqu'on raconte une histoire à des spectateurs et qu'on les regarde dans les yeux. Mais bien entendu, le spectateur et la spectatrice ne sont pas réels. Il sortent également de mon invention.

En marge

C. Quelle est votre place dans le cinéma allemand actuel et comment a-t-elle évolué depuis vos débuts?
R.T. J'ai toujours été un marginal. D'aucuns me tiennent pour un cinéaste commercial, d'autres pour un cinéaste esotérique. Dans la seule filmographie qui existe en Allemagne, je suis classé sous la rubrique «mi-commercial, mi-artistique». A un certain moment, j'ai eu la réputation d'être un spécialiste «en conversations de café du commerce».
Mes films constituent à chaque fois une tentative pour me libérer de telles classifications. J'ai dû quitter Munich pour emménager à Berlin, afin de me défaire de cette étiquette de Münchner Sensibilisten (sensibilité munichoise) (courant auquel appartient également Wim Wenders).
Quant à moi, je sais qu'il y a une grande continuité dans tous mes films et que relativement peu de choses ont changé dans ma carrière de cinéaste, longue de vingt-cinq ans. Ce qui distingue mes films des autres, c'est la simplicité et l'ironie avec lesquelles ils sont racontés.

C. Le Philosophe peut-il être vu comme un remake, d'inspiration moins noire et plus porteuse d’espoir, de votre film réalisé il y a vingt ans, Soleil rouge?
R.T. Un ami m'a dit, après avoir lu le scénario du Philosophe, que cette histoire était l'image spéculaire de Soleil rouge. Je n'y ai pas pensé au cours de l'écriture et du tournage. Il ne s'agit pour moi que de la reprise d'un motif narratif (un homme et plusieurs femmes), que j'affectionne particulièrement et qui revient souvent dans mes films. Du reste, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que Soleil rouge constitue une interprétation sombre et noire du mème thème. Les deux films, Soleil rouge et Le Philosophe sont des utopies sur l'amour. Lorsque Uschi Obermeier et Marquard Bohm, à la fin de Soleil rouge, meurent sur le rivage du Lac Starnberg, ils sont réunis, leur amour s'est réalisé. Ils sont heureux. Lorsque les trois déesses et Georg Hermes dansent sur les rives du Wannsee - le soleil s'est déjà couché - il y a un moment où les quatre protagonistes tournent le dos à la caméra, la face vers l'eau, c'est alors le moment de la réalisation, le moment de l'amour, où tout ce qui les sépare est aboli l'espace d'une seconde.

C. Quelle est l'importance de l'utopie dans vos films et, plus gênéralement, dans le cinéma actuel?
R.T. Les films sont des songes. Et mes films sont mes songes. Et comme il est particulièrement ardu de traduire ses réves dans une forme concrète, j'essaie de créer des balises pour mon film qui m'aideront à trouver ce que je veux montrez. Mais bien entendu, la plupart du temps, je tatonne dans l'obscurite comme tout le monde.